Franz Weber, l’intrépide défenseur de la nature et de la civilisation
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Par KOMNEN BECIROVIC
Le grand humaniste et écologiste suisse Franz Weber, directeur de la Fondation portant son nom, vient de célébrer, le 27 juillet 2012, son 85-ième anniversaire. A cette occasion une dizaine d’auteurs, dont Komnen Becirovic, lui ont rendu hommage, dans le numéro spécial du journal de sa prestigieuse Fondation.
Ma première rencontre avec Franz Weber s’est faite sous les auspices d’ Apollon, dieu de la lumière. En fait, j’avais vu par hasard, je crois en 1987, une émission à la Télévision française, consacrée à Franz Weber lors de sa campagne pour empêcher l’implantation d’une industrie dévastatrice et polluante dans un des sites les plus célèbres du monde antique, celui de Delphes abritant le sanctuaire d’ Apollon. C’est là que je pris connaissance de l’action qu’il menait ou plutôt de la mission qu’il accomplissait en vue de protéger les œuvres de la nature et de la civilisation, menacées par l’inconscience et la cupidité des hommes.
Cela venait comme un don du ciel, car à l’époque, le gouvernement yougoslave, passant outre à l’opposition de l’opinion publique, avait développé une activité intense pour la construction de centrales hydrauliques dans la vallée de la Moratcha au Monténégro, qui se trouve être mon pays natal, et de la Stoudénitsa en Serbie, nécessitant l’édification de barrages et la formation de lacs artificiels qui auraient englouti ou menacé des biens inestimables précisément de la nature et de la civilisation. En effet, des canyons vieux de dizaines de millions d’années, la flore unique s’y étant développée au cours des âges, des sites préhistoriques datant de 120 mille ans, devaient disparaître, en cas de la réalisation de ces projets néfastes. En même temps, les deux hauts lieux de la nation serbe, les monastères médiévaux de Moratcha et de Stoudénitsa, véritables joyaux de l’architecture et de l’art universels, s’élevant sur les bords de ces rivières, se seraient trouvés mortellement menacés par l’action des eaux souterraines et par l’effet de l’humidité.
Naturellement, j’écrivis aussitôt à Franz Weber dont la réaction fut immédiate, si bien qu’il se rendit, d’abord seul avec moi, puis accompagné d’un groupe de journalistes, à Moratcha et à Stoudénitsa dont les sites abritant des monuments historiques provoquèrent son admiration. Je le vois et l’entends encore en ce début d’avril 1988, alors que, venant de Podgorica, nous nous enfoncions dans le canyon de la Moratcha, s’exclamer : «Nous voici dans la cathédrale de l’éternité ! » Et devant le spectacle de la Moratcha roulant dans les profondeurs de l’abîme ses vagues blanc-émeraude gonflées par la fonte de neiges : « Mais c’est une symphonie de Beethoven ! » Puis, face à la magnifique église de l’Assomption sise sur une falaise à la sortie du canyon: « La prière accomplie dans la pierre! », avant de découvrir durant la liturgie célébrée par le métropolite Amphilochie, ce panthéiste grave, recueilli, tel un fidèle, sous les hautes voûtes multiséculaires ornées de fresques dont Saint Elie au désert qui, de par l’attitude pensive de saint, constitue une des plus réussies métaphores imagées de l’interrogation humaine. Il en alla de même le jour suivant dans la laure royale de Stoudénitsa, édifiée dans une nature plus calme, où le sublime Crucifix peint sur le mur occidental du sanctuaire, nous accueillit aux chants sacrés des moines s’unissant au chant immémorial de la rivière éponyme.
Il n’en aurait pas fallu autant pour que Franz Weber prît sa décision et donnât à l’affaire de Moratcha et de Stoudénitsa des dimensions internationales, faisant ainsi s’éloigner définitivement le danger qui planait sur ces biens uniques de la nature, de l’histoire et de la culture. Effectivement, Stoudénitsa fut bientôt inscrite sur la liste du patrimoine de l’Unesco et Moratcha était sur le point de l’être, lorsque le gouvernement du Monténégro fit marche arrière en s’obstinant dans sa logique diluvienne, de sorte que de nouveaux efforts furent nécessaires, et le sont toujours, afin que la région de Moratcha, avec la totalité de son héritage, soit sauvée et mise sous la protection de l’organisation internationale.
Naturellement, Franz Weber manifesta sa vive préoccupation lorsqu’avec les événements du Kosovo quelques années plus tard, les monuments de civilisation de cette province, tels Petch, Detchani, Gratchanitsa, se trouvèrent en danger du fait des actions des rebelles albanais sur place, mais surtout du fait de la menace de la guerre aérienne de l’Otan contre la Serbie, qui se précisait de plus en plus et que cette alliance allait mettre à exécution au début du printemps 1999. Or, prenant au sérieux cette menace et bravant le conformisme et la pensée unique ambiants à l’encontre des Serbes, Franz Weber se rendit, déjà en juin 1998, au Kosovo, toujours accompagné de journalistes. C’est depuis la merveilleuse Gratchanitsa à sept dômes, qu’il lança un appel vibrant à l’opinion internationale, à l’Unesco, au Parlement européen, en vue d’éviter toute action militaire au Kosovo risquant d’annihiler le patrimoine en même temps que de meurtrir les populations. Si cet appel ne trouva pas l’écho escompté, c’est qu’une fièvre belliciste, moyennant une propagande effrénée, avait gagné les opinions et les institutions et que certains parmi les journalistes qui accompagnaient Franz Weber au Kosovo, aux frais de sa Fondation d’ailleurs, l’avaient trahi, en dénaturant sa démarche pour la présenter comme un soutien au régime tant honni de Belgrade ! Mais la voix de la conscience, de l’humanité et de la vérité s’était fait entendre avec force.
D’ailleurs, loin d’en être découragé, Franz Weber, bien au contraire, poursuivit son action, en organisant du 18 au 20 mai 1999 à Giessbach au bord du lac de Berne, alors que le fléau de l’Otan sur la Serbie faisait rage, un colloque international contre la guerre, dénonçant ses effets néfastes : le martyre des populations, la destruction des biens matériels immenses, la pollution de la nature par des substances toxiques cancérigènes, tel l’uranium appauvri notamment. Il adressa également une Lettre ouverte au Président des Etats-Unis, Bill Clinton, l’invitant à arrêter la guerre et à dissoudre cette « alliance de malheur », comme il qualifia l’Otan. Appellation qui se révéla ô combien prophétique, vu l’étendue des crimes commis depuis par cette coalition, en Afghanistan, en Irak, en Libye, en attendant, hélas, d’autres victimes. Quant au Kosovo, qui n’en fut que le banc d’essai, la suite des événements démontra à quel point Franz Weber avait eu raison, puisque sous la terreur albanaise qui s’abattit à l’ombre de l’Otan sur la province, une centaine d’églises et de monastères fut détruite, un quart de million de Serbes contraint à l’exode, leurs biens spoliés ou usurpés, l’environnement à jamais contaminé, le pays livré aux clans mafieux… Autant de tristes exploits des propagateurs de droits de l’homme et de la démocratie par les bombes!
Il reste que Moratcha, Stoudénitsa, Kosovo constituent trois titres de gloire, parmi tant d’autres, que Franz Weber a gagnés en défendant , par ses nombreuses campagnes menées pendant un demi-siècle, la culture, la nature, la création partout où elles ont été menacées dans le monde. Et puisque, malheureusement, il n’existe pas de prix Nobel de l’Ecologie, il faudrait instaurer un équivalant qui porterait fièrement le nom de Franz Weber et qui récompenserait ceux qui, à son exemple, se dévouent sans limites au combat pour le salut de notre planète, de notre survie et de notre existence sur cette terre avec tout ce qu’elle porte, dans sa marche parmi les constellations, de sensé, de beau, de magnifique, de sublime, qu’il soit du domaine humain ou divin.
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